Carbone 14

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Portfolio

Description

Si je vous dis usure, l’image qui se forme dans votre esprit n’est probablement guère positive. Des traces jaunies, un écho d’affaissement, un relent de naphtaline peut-être. Quelque chose de fatigué et de triste comme peut l’être ce dont on ne veut plus.

 

L’usure est pourtant une réalité avec laquelle il nous faut composer. En dépit de tous les efforts que nous pouvons déployer pour lui enjoindre de suspendre son vol, le temps laisse son empreinte sur la matière.

L’on a beau mettre sous cloche les objets que l’on souhaite préserver (quitte à s’empêcher de jouir de canapés houssés de plastique, ou de figurines de collection qui perdent leur valeur marchande une fois la boîte ouverte), le passage du temps va inexorablement les éroder ou les corroder, un atome après l’autre.

Et l’on peut bien réparer, renforcer, changer des pièces, jamais l’on ne pourra vraiment ravoir les couleurs et les lignes d’origine. L’usure est au sens propre du terme une altération : elle transforme et rend autre.

 

Alors, pour ne pas voir cette usure qui dérange (peut-être parce qu’elle nous rappelle trop que nous reviendrons nous aussi à la poussière ?), nous avons trouvé une parade : renouveler.

À la moindre trace d’usure, rien de plus facile que de mettre l’objet au rebut : un remplaçant identique voire supérieur n’attend qu’un clic de confirmation de commande pour prendre la relève. Tant et si bien que la masse de ce que nous avons usé et écarté finit par former des montagnes, pendant que les ressources qui nous sont disponibles et dont nous dépendons par ailleurs pour notre survie s’amoindrissent chaque jour. Nous avons tous été exposés à ces navrantes images de décharges à ciel ouvert. Nous avons aujourd’hui tous conscience que cette trajectoire n’est pas soutenable. Mais, pour beaucoup, résister à la tentation de troquer du vieux pour du neuf est vécu comme un sacrifice.

 

Pourtant, il est des cas dans lesquels l’usure est perçue comme positive. C’est aussi pour sa patine qu’un meuble antique a plus de « cachet » qu’un prêt-à-monter Ikea. Les jeans artificiellement usés jusqu’à la corde et autres textiles malmenés jusqu’à obtenir la bonne décoloration ont leurs amateurs.

C’est parfois même son usure qui fonde la valeur d’un objet. L’on pense à ce héros de Pagnol qui chérissait un noyau de prune portant la trace des dents de sa bien-aimée. À ces objets familiers que nous avons marqués et modelés par notre usage quotidien, et qui nous sont dès lors non seulement plus confortables, mais surtout intimes. Ou, dans un registre certes différent, à ces possessions de stars qui affolent les enchères… voire au commerce de petites culottes portées et non lavées.

 

Longue est la liste des exceptions qui confirment la règle. Ce qui amène à se demander : ne pourrait-on pas faire de l’usure une ressource ? Puisqu’elle est inexorable, pourquoi ne pas en tirer parti ? N’est-ce pas le fameux « faire plus avec moins » ?

Les designers sont de plus en plus nombreux à intégrer des considérations de résistance, de durabilité, de recyclabilité dès la conception. Pourquoi ne pas imaginer des produits qui, comme un vin de garde, mûriront davantage qu’ils ne vieilliront ? Des objets pensés pour gagner en utilité, en pertinence ou en charme avec le temps et avec l’usage ? Ou pour se révéler et se transformer à mesure qu’ils s’useront ? Pourquoi ne pas concevoir les choses de manière à leur programmer plusieurs vies - comme c’est le cas de ces crayons à planter après usage, par exemple ?

 

Accepter l’usure, se l’approprier, permettrait de réconcilier une société qui ne veut plus se définir comme « de consommation » avec l’usage qu’elle fait des choses. Cela revient à concevoir une forme de consommation qui ajoute et qui crée au lieu de simplement consumer.

 

Et c’est précisément la vocation de Carbone 14 Studio. Une agence de design qui pense l’objet en donnant place au temps qui passe. Fondée par un designer intarissable sur le sujet de l’usure positive. Alors n’hésitez pas à me contacter pour en discuter ;)

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